Lettre à une amie

Ma chérie,
j'ai eu du mal à trouver les mots, cette fois. Cent fois j'ai commencé à écrire, cent fois je suis restée muette devant mon ordinateur. C'est fou que ça me touche autant, le rapport au corps. Je n'aime pas quand tu me dis que tu admires le fait que je sois bien dans mon corps. Je n'aime pas quand tu dis que je ne peux pas comprendre, vue ma silhouette. Alors non, en effet, je ne sais pas ce que c'est que se trouver trop grosse. Mais je sais ce que c'est que de se voir changer. J'ai pas mal maigri ces derniers temps, tu sais. Je n'ai plus les joues rondes ni la jolie poitrine de mes vingt ans. On voit mes clavicules et je ne trouve pas ça très joli, on dirait que je suis malade. J'ai des cicatrices un peu partout, la peau capricieuse. Tu vois, je ne corresponds pas aux canons de beauté, ces filles des magazines avec leurs fesses haut perchées et leurs boobs victorieux, qui donnent l'impression aux filles normales de ne pas être jolies. Et pourtant, mon corps et moi sommes en paix. Je n'ai pas de solution pour que tu te sentes mieux, ma belle, crois moi, si j'en avais une...Si tu savais à quel point ça m'émeut, de te voir si mal, que tu ne veuilles pas porter de robe ou te mettre en maillot de bain. Si tu savais comme ça gronde en moi, quand j'apprends que tu te pèses tous les jours ou que tu passes tant de temps à camoufler ce bouton que tout le monde a vu, c'est vrai, mais dont tout le monde se fout, en fait. Si seulement mes mots pouvaient faire voler en éclats ton exigence mal placée. Ma choupette, j'aimerais te dire de jeter au feu ta balance et tes yaourts allégés, te crier d'habiter ton corps au lieu de le détester, t'aider à poser sur toi un regard bienveillant. Si j'osais, et si c'était si simple, je te dirais ta gueule, enlève ton tee-shirt, on va se baigner.
Voilà, ma poulette, je viens de passer trois heures à écrire ces quelques lignes maladroites, dans lesquelles je ne dis pas tout, s'il suffisait d'avoir un rapport sain avec la bouffe et sa cellulite pour être heureuse, ça se saurait.  Cela étant, c'est déjà un bon début.
Des millions de bisous,
à ++

S. 
P.S: Ma grande, fous la paix à ton corps, s'il te plait.