lundi 5 septembre 2016

La maison, un an après

Je prononce ce mot comme on déguste un bonbon, lentement, comme on savoure un baiser, en trainant un peu, pour qu'il dure plus longtemps. Cela fait un an que j'ai posé mes bagages ici, et j'ai toujours des étoiles dans les yeux quand je parle de cette grande bâtisse en pierre, qui servit d'abord d'écuries pour le château du Prince Noir avant de devenir mon chez-moi.

Le rez-de-chaussée a subi une grande transformation. La pièce est maintenant lumineuse, mes meubles de bric et de broc ont pris place, comme s'ils avaient toujours été là. Pas trop de bibelots, en ce moment, j'ai envie d'un intérieur épuré. Il ne reste plus qu'à planter quelques clous dans les murs, pour l'instant les tableaux sont posés par terre.




Désormais, il y a toujours un bouquet de fleurs du jardin à côté du canapé, et les copains s'attablent autour de cette vieille table un peu abîmée lors de douces soirées improvisées. Il y en a toujours un ou deux qui restent dormir, et lorsqu'ils s'approchent du canapé pour le déplier, tttt, je leur montre l'escalier. Ils trouveront des serviettes de toilette sur le lit de la chambre d'amis, les volets sont déjà fermés, je savais qu'ils resteraient. Sur le mur du fond, à l'endroit où l'escalier tourne, il y a une vieille carte d'école, elle tient par l'opération du saint esprit, il faut que je change les crochets.


Évidemment, il reste encore plein de choses à faire. Au plafond pendent des ampoules nues. Il faut faire vérifier la toiture, quand il pleut, il y a des taches humides sur les murs des combles. Un jour, cette pièce sera un bureau. La chambre des parents. La salle de jeux des enfants. Ou la chambre d'amis, parce que dans dix ans, on cuisinera toujours des burgers le mercredi soir. J'ai bien le temps d'y réfléchir. Bientôt, j'arracherai l'affreux papier peint de la petite chambre. Officiellement, c'est un bureau, mais je n'y travaille jamais, j'y fais juste sécher le linge. Cette tapisserie jaune sale me sort par les yeux. Et dans la salle de bains, un jour je ferai poser une baignoire, changer la vasque. Oh! je vois bien des carreaux de ciment dans cette petite pièce!

Mais avant tout ça, il faudra investir le jardin. On y a déjà pris l'apéro, une ou deux fois, bercés par le bruit des voitures sur la rocade tout près. J'ai envie d'y créer un potager partagé, de céder une parcelle à des gens qui auraient envie de mettre les mains dans la terre. Marie a déjà prévu d'y cultiver des tomates. Et des courgettes, aussi, hein, dis? Moi je me contente de compter les roses orange, de renifler le seringa et de pester contre les escargots. Pour rire, je dis souvent qu'il y aura une piscine, juste ici. Après tout, pourquoi pas? On serait bien, les fesses dans une pataugeoire pour bébé, à siroter une citronnade alors que le jour décline.






Je mesure quelle chance extraordinaire j'ai de vivre dans cette baraque. Elle résonne des rires des copains, qui, je l'espère, s'y sentent bien. Je n'y vivrai pas toute ma vie, et c'est doux, de savoir que je ne fais que passer. Que les pierres ont eu une histoire avant moi et que ça continuera après mon départ, mais que j'y construis la mienne, d'histoire.

S.

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