jeudi 11 mai 2017

Celle qui s'inquiète


Il est 5 heures. Le réveil ne sonnera que dans une heure, mais elle est déjà réveillée. La chambre est encore plongée dans l'obscurité, pourtant, et silencieuse, enfin presque, il y a son cœur qui bat bien trop fort, bien trop vite. Elle se lèvera dans la minute qui suit la sonnerie du réveil, et ne s'arrêtera plus, jusqu'au moment où elle sombrera ce soir. C'est la seule chose qui fonctionne, pour enrayer cette putain d'angoisse. Elle s'inquiète pour tout, pour rien, pour les autres, un peu pour elle. Elle prend soin des autres, vérifie que tout le monde aille bien, que personne n'ait froid ou faim. Trimbale toute une pharmacie dans son sac, et même une culotte, on ne sait jamais. Elle est celle qui s'inquiète, ça fait partie de son tempérament, au même titre que sa bienveillance ou son appétit d'oiseau. Elle a peur de perdre les gens qu'elle aime. Elle a surtout peur, en vrai, de perdre sa place dans le cœur des gens qu'elle aime. Ces dernières semaines, les gouttes d'inquiétude se sont transformées en océan. Au fond, elle sait bien que le soleil reviendra, qu'il n'a jamais vraiment disparu, mais elle est presque persuadée que le ciel restera gris encore longtemps. Elle en a oublié qu'elle sait nager, elle ne voit même plus qu'elle a pied, tout occupée qu'elle est à écoper sa fragile embarcation. Pourtant, il y en a du monde près d'elle, des gens capables de la sortir de l'eau. De temps en temps, quand elle est sur le point de se noyer, elle se laisse essorer gentiment. Murmure un tout petit merci qui veut dire beaucoup plus. Attend le grand coup de vent qui va assécher son océan. Bientôt, elle sera de nouveau simplement celle qui s'inquiète, propose un doliprane quand elle entend qu'on a mal à la tête, organise des gouters dans le jardin et n'est jamais certaine de pouvoir terminer son assiette.

S. 

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