mardi 6 juin 2017

Les pieds sales après la douche


Notre vie est telle que nous la construisons. A nous de la façonner à notre idée. Alors, je veux quoi pour moi? Je veux avoir le souffle coupé par des paysages fabuleux à l'autre bout du monde. Je veux mon corps fatigué d'avoir crapahuté. Je veux ma peau dorée par le soleil et le goût de la mer sur les lèvres. Je ne veux pas m'ennuyer, jamais, quitte à m'épuiser. Je veux toujours du monde autour de moi et des endroits où pouvoir être seule. Je veux m'émerveiller devant des petits riens, et m'épanouir dans mon boulot. Je ne veux pas m'emmerder avec des gens qui n'en valent pas la peine. Je vois pour demain tout ce que j'ai(me) déjà aujourd'hui. Des soirées improvisées avec les copains, des fous rires et du bruit. Des confidences sur le canapé ou sous la pluie. Des journées bien remplies, son odeur sur l'oreiller, des idées farfelues et des amis pour les réaliser. Des baisers volés, le cœur qui bat et des mots qui rassurent. Quand il fera beau, on enlèvera nos chaussures pour danser dans l'herbe, tant pis si on a encore les pieds sales après la douche. J'irai voir ailleurs si j'y suis. Je porterai des jupes qui tournent et des talons trop hauts, on aura l'air sérieux quand il le faut, et on rira quand il ne faut pas. Dans cette vie que je cisèle, il y a, il y aura, des festins de fond de placard, des bras qui me serrent, des courses sur la plage, et des bébés dont on renifle le cou. L'océan d'inquiétude fera sûrement partie du truc. Ca ira, je sais naviguer. Et je me fabrique un chouette bateau, en ce moment. Il a déjà des voiles, blanches, et des rames, pour les jours sans vent. Et même si c'est difficile, j'essaie d'y faire de la place, dans ce grand bateau et dans ma petite vie, pour celui qui. Parce qu'il y aura encore des belles rencontres, des regards qui en disent long et des airs fredonnés toute la journée. Dans cette vie qui se tricote, on jardinera pendant des heures, on chantera faux et à tue-tête, on mangera avec les doigts, on repeindra la petite chambre, et tant mieux si on a encore les pieds sales après la douche. Je pressens des concours de crachat de noyaux de cerises, des réunions qui s'éternisent et des petites folies. Des enfants sauteront sur les lits et laisseront trainer leurs jouets. On nourrira le chat du voisin et les oiseaux pendant l'hiver. On expérimentera de nouvelles recettes et on se disputera pour ne pas faire la vaisselle. On guettera la lumière blonde du soleil qui se couche, puis on regardera la ville s'allumer pendant l'heure bleue. Je parie qu'il y aura des dimanches soirs moroses, des frigos vides et jamais assez de place dans l'armoire de l'entrée pour toutes mes chaussures. Je choierai ceux qui m'entourent, ils me répondront de m'occuper moins d'eux et plus de moi, mais c'est quelque chose que je ne sais pas bien faire. Il y aura forcément des égoïstes, ça me mettra hors de moi, évidemment, il faudra que j'apprenne à faire avec. Je promets qu'il y aura de la mousse au chocolat, des bêtises, du ménage en retard, des cheveux jamais coiffés et un appareil photo sur la table du salon. Avec les copines on s'enverra des textos pendant qu'on bosse et on bitchera sur cette fille qui m'exaspère. Il y aura tout ceci et bien d'autres choses, je ne parle pas de tout ici et je compte bien avoir quelques surprises. Mais je ferai toujours des listes et des inventaires à la Prévert, j'aurai mal au ventre les veilles de rentrée, je bavarderai pour ne rien dire et j'écrirai ce que je n'arrive pas à dire. J'en suis pas sûre, mais peut-être qu'on plantera des rosiers. Ou un bananier, à côté des groseilliers, tiens. Peu importe, au fond.

Pourvu qu'on ait les pieds sales après la douche. 

S.


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